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tueur frappe U la gueule au rythme de la gręle, sans s'arręter, en un fracas retentissant de carcasse qui
éclate.
J'essayais de garder les yeux ouverts pour regarder l'ennemi en face. Sa beauté était effarante.
J'étais triste de savoir qu'il perdrait tôt ou tard. Dans ce duel, j'avais choisi mon camp : j'étais
vendue U l'adversaire. MÄ™me si j'habitais la Terre, j'étais pour les nuages : ils étaient tellement plus
séduisants. Je n'hésiterais pas U trahir pour eux.
Nishio-san venait me chercher pour me forcer U me mettre U l'abri sous le toit de la terrasse.
- Tu es folle, tu vas tomber malade.
Pendant qu'elle enlevait mes vÄ™tements trempés et me frictionnait dans un linge, je regardais le
rideau d'eau qui continuait son oeuvre pléonastique : terrasser la Terre. J'avais l'impression d'habiter
un gigantesque carwash.
Il pouvait arriver que la pluie l'emporte. Cette victoire provisoire s'appelait inondation.
Le niveau d'eau monta dans le quartier. Ce genre de phénom%0Å„ne se produisait chaque été, dans le
Kansai, et n'était pas considéré comme une catastrophe : c'était un rituel prévu et en vue duquel on
s'organisait, en laissant par exemple, les ô-miso (les honorables caniveaux) grands ouverts dans les
rues.
En voiture, il fallait rouler lentement afin d'éviter les trop fortes projections. J'avais l'impression
d'ętre en bateau. La saison des pluies me ravissait U plus d'un titre.
Le Petit Lac Vert avait presque doublé d'étendue, engloutissant les azalées des environs. J'avais
deux fois plus de place pour nager et je trouvais délicieusement étrange d'avoir parfois un buisson
fleuri sous le pied.
Un jour, profitant d'une accalmie passag%0Å„re, mon p%0Å„re voulut se promener dans le quartier.
- Tu viens avec moi ? demanda-t-il en me tendant la main.
Ca ne se refusait pas.
Nous partîmes donc tous les deux marcher dans les ruelles inondées. J'adorais me promener avec
mon p%0Å„re qui, perdu dans ses pensées, me laissait faire les bÄ™tises que je voulais. Jamais ma m%0Å„re ne
m'eqt autorisée U sauter U pieds joints dans les torrents du bord de la rue, mouillant ma robe et le
pantalon paternel. Lui, il ne s'en apercevait męme pas.
C'était un vrai quartier japonais, calme et beau, bordé de murs coiffés de tuiles nippones, avec les
ginkgos qui dépassaient des jardins. Au loin, la ruelle se transformait en un chemin qui serpentait
dans la montagne vers le Petit Lac Vert. C'était mon univers : il m'y fut donné, pour la seule fois de
mon existence, de m'y sentir profondément chez moi. J'avais le bras en l'air pour tenir la main
paternelle. Tout était U sa place, U commencer par moi, quand je m'aperçus que ma main était vide.
Je regardai U côté de moi : il n'y avait plus personne. La seconde d'avant, j'en étais sqre, il y avait lU
mon p%0Å„re. Il avait suffi que je détourne la tÄ™te un instant et il s'était dématérialisé. Je n'avais mÄ™me
pas remarqué le moment oo il avait lâché ma main.
Une angoisse sans nom s empara de moi : comment un homme pouvait-il se volatiliser ainsi ? Les
Ä™tres étaient-ils des choses si précaires que l'on puisse les perdre sans motif et sans explication ? En
un clin d'Å›il, un tel monument humain pouvait-il disparaître ?
Soudain, j'entendis la voix paternelle qui m'appelait, d'outre-tombe, U n'en pas douter, car j'avais
beau regarder autour de moi, il n'était pas lU. Sa voix semblait traverser un monde avant de me
parvenir.
- Papa. oo es-tu ?
- Je suis lU, répondit-il calmement.
- Oo, lU ?
- Ne bouge pas. Ne va surtout pas lU oo j'étais.
- Oo étais-tu ?
- A un m%0Å„tre de toi, sur ta droite.
- Que t'est-il arrivé ?
- Je suis en dessous de toi. Il y avait un caniveau ouvert, je suis tombé dedans.
Je regardai U côté de moi. Au milieu de la rue transformée en rivi%0Å„re, on ne distinguait aucune
trappe. Mais U bien observer, on y voyait comme un tourbillon qui devait signaler l'ouverture des
égouts.
- Tu es dans le miso, Papa? demandai-je avec hilarité.
- Oui, ma chérie, dit-il sereinement afin de ne pas m'affoler.
Il avait tort : il eqt mieux fait de me paniquer. Je n 'étais pas effrayée pour deux sous. Je trouvais
cet épisode du plus haut comique et ne voyais pas oo était le danger. Je fixais le trou d'eau qui l'avait
englouti, m'émerveillant qu'il puisse me parler U travers ce rempart liquide : j'aurais voulu le
rejoindre pour voir comment était son logis aquatique.
- Tu es bien, lU oo tu es, Papa ?
- Ca va. Rentre U la maison, et dis U Maman que je suis dans les égouts, d'accord ? me demanda-t-il
avec tant de sang-froid que je ne compris pas l'urgence de ma mission.
- J'y vais.
Je tournai les talons et me mis U folâtrer.
En chemin, je m'arrÄ™tai, frappée par une évidence : et si c'était ça, le métier de mon p%0Å„re ? Mais
oui, bien sqr ! Consul, ça voulait dire égoutier. Il n'avait pas voulu me l'expliquer parce qu'il n'était
pas fier de sa profession. Ce cachottier !
Je rigolai : j'avais enfin éclairci le myst%0Å„re des activités paternelles. Il partait tôt chaque matin et
revenait le soir sans que je sache oo il allait. Désormais, j'étais au courant : il passait ses journées
dans les canalisations.
A la réflexion, j'étais contente que mon p%0Å„re fasse un travail en rapport avec l'eau car, pour Ä™tre de
l'eau sale, ce n'en était pas moins de l'eau, mon élément ami, celui qui me ressemblait le plus, celui
dans lequel je me sentais le mieux, mÄ™me si j'avais failli m'y noyer. N'était-il pas logique, d'ailleurs,
que j'aie risqué de mourir dans celui des éléments qui parlait le mieux ma langue ? Je ne savais pas
encore que les amis étaient les meilleurs traîtres en puissance mais je savais que les choses les plus
séduisantes étaient forcément les plus dangereuses, comme se pencher trop par la fenÄ™tre ou se
coucher au milieu de la rue.
Ces intéressantes pensées effac%0Å„rent jusqu'au souvenir de la mission que m'avait donnée l'égoutier.
Je me mis U jouer au bord de la ruelle, U sauter U pieds joints dans de véritables fleuves en chantant
des chansons de mon invention ; j'aperçus sur un mur un chat qui n'osait pas traverser de peur de se
mouiller : je le pris dans mes bras et le posai sur le mur d'en face, non sans lui tenir un discours sur
les plaisirs de la natation et les bienfaits qu'il en retirerait. Le matou s'enfuit sans me remercier.
Mon p%0Å„re avait choisi une drôle de mani%0Å„re de me révéler son métier. Plutôt que de me l'expliquer,
il m'avait emmenée sur son lieu de travail au fond duquel il s'était jeté en cachette, afin de mieux
ménager ses effets. Sacré Papa ! Ce devait Ä™tre lU, aussi, qu'il répétait ses leçons de nô, c'était pour
cela que je ne l'avais jamais entendu chanter. [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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